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Louise, l'atelier
21 avril 2007

Elections/Lu et apprécié/Contribution

Juste un petit rappel avant d'aller aux urnes...et pour après aussi !

Abus policiers, crise de citoyenneté
Article paru dans l'édition du 19.04.07
Entre le tout-répressif et le repli communautaire, la France doit redevenir une République confiante
'est arrivé à Rouen. Deux conducteurs, deux étudiants éméchés, butent sur un lampadaire. Leur interpellation tourne à la bavure. Alors qu'ils sont menottés et totalement maîtrisés, des policiers s'acharnent : coups sur la tête, lâcher de chien et même strangulation.

Ce jour-là, alerté par le bruit du crâne cognant sur la carrosserie, un riverain a eu le réflexe de filmer de sa fenêtre. La scène est montrée dans certains journaux. Ceux qui l'ont vue réalisent la violence, physique et symbolique, d'un abus de pouvoir lorsqu'il vient de forces de l'ordre. Et se produit, comme par hasard, sur un étudiant noir et un étudiant arabe. D'autres n'ont pas besoin d'avoir vu ces images pour savoir que ces scènes de violences arrivent trop souvent depuis quelques années, près de chez eux, et tombent toujours sur les mêmes. Ils n'ont pas attendu ces images pour mettre en garde : les violences policières de ces dernières années ont miné ce qu'il restait de confiance et de respect entre les citoyens et leur police : + 30 % de plaintes pour bavures depuis 2002.

Les bavures ont toujours existé. Mais, depuis 2002, la police est plus que jamais sous « haute pression ». On exige d'elle des chiffres en vue d'une exploitation politique. Sa mission, déjà difficile, est devenue infernale. Certains policiers gardent un sang-froid remarquable, malgré le climat de tensions grandissant. Ceux-là incarnent l'honneur de la police et de la République. Ce sont de véritables « gardiens de la paix ».

Mais tous n'ont pas ce sens de la maîtrise et cette exigence. Favorisées par un discours sécuritaire sans discernement ni mesure, les bavures semblent en prime mieux tolérées. A de très rares exceptions, le ministre en charge les a couvertes : « Plus de plaintes pour bavures, cela ne veut pas dire plus de bavures. » A de très rares exceptions près, les médias n'ont guère dénoncé ces atteintes aux droits élémentaires. Cette complicité passive a généré une aigreur explosive.

Nous l'avons vu au moment des émeutes de novembre 2005. Non content d'avoir tenu des propos vexatoires et d'aller jusqu'à menacer de nettoyer au Kärcher certains quartiers, le ministre de l'intérieur de l'époque a accusé à tort Zied et Bouna de « cambriolage », avant de mentir sur le profil des émeutiers, qui n'étaient pas des délinquants « connus des services de police », mais très souvent des mineurs révoltés par les dérapages policiers.

Nous l'avons revu au moment des arrestations musclées à la maternelle de la rue Rampal (dans le 18e arrondissement de Paris) et plus encore à celle de la gare du Nord.

A la gare du Nord, avant que des bandes organisées ne s'emparent de cette émotion sincère pour vandaliser, des citoyens de tous âges ont choisi de stopper leur activité pour exercer une vigilance collective et prévenir un éventuel dérapage policier. Une rumeur a même circulé. Elle disait qu'un policier avait cassé le bras d'un enfant de 13 ans. A tort. Cette rumeur est très révélatrice. Elle témoigne d'une perte de confiance en la police et en le bien-fondé de son action. Cette rupture ne peut qu'engendrer le chaos. En compliquant la tâche déjà difficile des forces de l'ordre d'un côté. Et en confortant les victimes d'abus de pouvoir dans leur rejet de la police, de l'Etat, de la République et au final de leur citoyenneté.

Car comment demander aux jeunes de France de respecter la police si la police se montre injuste, raciste, et finalement indigne de respect ? Combien de guets-apens vont être imaginés par désir de vengeance après les images de Rouen, quitte à alimenter ce cercle infernal alimentant la peur et la rage de part et d'autre ?

Cette question aurait dû être au coeur de la campagne. Elle est centrale si nous souhaitons sincèrement sauver le vivre-ensemble, restaurer la confiance en la police, et donc en la République. Au lieu de ça, de quoi avons-nous parlé ? De l'immigration, encore et toujours.

Cela suffit. Au lieu de focaliser toujours sur les mêmes boucs émissaires dans l'espoir de détourner nos regards des vrais enjeux, au risque de conforter toujours les mêmes peurs qui nous dévorent, il est temps de parler de citoyenneté, de respect de part et d'autre, de libertés et d'égalité. Il nous reste encore deux semaines de débat avant le second tour de l'élection présidentielle. Les signataires de cet appel demandent solennellement aux candidats de cesser de conforter les Français dans des peurs fantasmagoriques pour mieux les diviser. Et de prendre leurs responsabilités dans cette crise de citoyenneté qui nous traverse tous.

Nous rêvons. Nous ne voulons pas d'une France coincée entre le tout-répressif et le repli communautariste.

Nous rêvons d'une France réconciliée, plus égalitaire, respectueuse des libertés individuelles et de la laïcité, d'une police respectable et donc respectée, d'un élan commun pour donner plus à ceux qui ont moins, d'une vraie politique pour déconstruire les mécanismes inconscients de tous les racismes, d'une France lucide sur son passé et confiante en son avenir.

Nous rêvons de vrais débats pour construire ensemble et non se conforter les uns les autres dans des pulsions destructrices.

Alors débattons, mobilisons-nous. Et votons. Pour que le 22 avril 2007 ne ressemble pas au 21 avril 2002. Pour que la France de demain soit celle de l'avenir. Et non celle de la division.
Nora Barsali, Guy Bedos, Diam's, Caroline Fourest, Joey Starr, Benjamin Stora, Christiane Taubira, Jean-Claude Tchicaya, Lilian Thuram


…et une réflexion de ma part sur le lien à faire entre art, engagement et enseignement, lien que je cherche le plus souvent possible à établir dans ma pratique d'enseignante.

Art et culture engagés ? / Engager l’art et la culture…

Croyons-nous si peu en l’art et la culture pour les laisser ainsi en jachère, voire en menacer à ce point les conditions d’exercice et de réalisation en les subordonnant quasi totalement aux lois du marché, à l’audimat et à la rentabilité ? Pensons-nous qu’ils sont totalement impuissants à changer quoi que ce soit dans le monde, dans nos sociétés, à apporter les ingrédients nécessaires à la réflexion, à l’éducation, à la nécessité de changer les mentalités en ce qui concerne notamment le rapport à l’autre, quel qu’il soit ?
Si l’on prend l’exemple de l’Education Nationale, on ne peut en effet que s’étonner, et être scandalisé de la portion congrue réservée aux enseignements artistiques, en outre toujours menacés. L’on pourrait également légitimement s’interroger sur l’enseignement de la langue (des langues) et de la littérature (ou plutôt des littératures), en tant précisément que vecteurs de production de sens, et de sens, développant l’acuité du regard et de la réflexion, tout autant que sur l’importance qu’il faut accorder à l’enseignement de la grammaire.
L’art et la culture n’ont-ils aucun poids, validité, voire aucune réalité lorsqu’il s’agit de penser le réel ? Ne sont-ils pas en soi politiques en ce qu’ils forgent nos identités, nos consciences ? Pourquoi notre société, qui un temps eut l’heur de créer le statut d’intermittent du spectacle, marginalise-t-elle de plus en plus ses artistes, la création, au profit d’un prêt-à-penser au coût souvent exorbitant, mais qui ferait l’économie de la pensée même ?

Tout laisse à constater, me semble-t-il, que la pensée dominante actuelle tend à considérer les processus créateurs, de formes artistiques et/ou de sens comme devant être en marge des enseignements car ils sont somme toute considérés comme des « luxes » inappropriés – ce qui n’est pas un moindre mal - ou comme de simples objets de consommation.
Ne font-ils pas pourtant partie intégrante de la transmission des connaissances et du savoir, au sens le plus producteur et valorisé du terme, que nous avons à offrir aux jeunes (et moins jeunes, sans doute !) générations ? Et, comme tels, ne sont-ils pas au contraire à ancrer profondément dans les pratiques éducatives ?

Peut-être alors faut-il nous demander ce que signifie « changer » la société afin d’envisager des processus adéquats. Peut-être encore faut-il s’éloigner des schémas habituels, trop ancrés pour en envisager de nouveaux, susceptibles de déplacer quelque peu nos points de vue usés ou trop étroits. Sans doute faut-il abandonner les réponses trop simplistes et envisager ces questions dans une complexité qui ne fait pas forcément immédiatement recette.

La proposition serait alors celle-ci : Changer la société signifierait par conséquent poser les fondements culturels qui peuvent unir les individus sans écarter leur individualité propre, c’est-à-dire en faisant appel à leurs ressources singulières pour (re)créer du possible, à mesure humaine. Ce serait de fait et urgemment accorder une place suffisante et considérée comme nécessaire à l’accès à la culture (aux cultures) et aux arts dans l’éducation pour s’aventurer vers plus d’humanité, à défaut même d’humanisme…

Pour autant, il n’est pas ici question de décréter que l’art et la culture doivent être « ceci » ou « cela », sous peine de n’aboutir finalement qu’à de l’art et de la culture officiels, danger toujours présent, qui stérilise les meilleures intentions. Il s’agirait au contraire « d’engager l’art et la culture » dans les praxis de la démocratie, afin, entre autres choses, de réduire l’abîme toujours plus grand qui se creuse entre la culture et le réel le plus quotidien de beaucoup d’entre nous, - tous citoyens de la société française et, au-delà de toutes frontières internes et externes, humaine. Il s’agirait de prendre acte du fait qu’une société est composée d’individus, ayant droit – au sens juridique du terme -  au champ des possibles que permettent d’ouvrir l’art et la culture.
Manière de reconnaître que, si ceux-ci peuvent agir sur la société, c’est parce qu’il peuvent agir sur nous et nous agir non pas en tant qu’individus isolés, mais en tant qu’individus liés les uns aux autres parce que la mise en œuvre de ces processus dynamiques portent en eux la capacité de nous relier à nous-mêmes, à nos propres émotions et réflexions qu’ils convoquent incessamment. Manière aussi ou voie pour réfléchir de façon effective au « comment » de la démocratisation en matière d’éducation, conscients que ces voies seront sans cesse à recréer, voire à renouveler et à interroger.

A l’heure où le malaise social s’étend et se manifeste souvent de manière aiguë, nous nous trouvons devant un choix : celui de reculer au risque de faire reculer (encore) la pensée et la création, ou bien celui, au contraire, d’avancer avec plus d’audace en accroissant les moyens de création et de recréation que nous accordons à notre société, c’est-à-dire à nous-mêmes, que ces moyens soient humains et/ou financiers, pour surmonter les crises et les rendre productrices de sens - sans doute le moins que l’on puisse faire face aux drames qui touchent les êtres.

Dans cette perspective, art et culture me paraissent être des moyens privilégiés non seulement pour chercher, et trouver, dans les états mêmes de crises, les moyens de les surmonter, mais aussi pour permettre, ou autoriser, la possibilité de se tenir, en tant qu’individu, suffisamment en éveil pour prendre part activement, en conscience, à la démocratie. Sans doute pour cela faut-il aussi conjuguer art, culture et éducation, en s’interrogeant sur la nature propre de ces pratiques. Qu’attendons-nous d’elles ? Qu’attendons-nous par exemple, ou qu’entendons-nous par « savoir » ? Connaissance(s), savoir-faire, construction « d’objets de savoirs » ? Ou encore capacité à faire savoir, exprimer, échanger ? Tout cela à la fois ?

Ne ferons-nous d’ailleurs qu’attendre, - ou entendre - ou déciderons-nous à un moment donné, collectivement, de nous décider en faveur de ces avancées ?

Si prôner les vertus de l’art et de la culture peuvent paraître utopiques lorsque l’urgence paraît être en premier lieu d’ordre économique, cela l’est beaucoup moins, paradoxalement, lorsque l’on est confronté directement à ces pratiques, tant sur le plan pédagogique qu’artistique. Et c’est assurément dans un va-et-vient fructueux entre le réel tel qu’il apparaît au plan pédagogique et tel qu’il apparaît artistiquement que se « joue » ce qui confère un peu de réalité à cette utopie…réaliste.


Louise Brun, le 10/03/07.

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Commentaires
S
Beaucoup de lucidité et de clarté dans ce texte, cet article, qui mériterait d'être publié.<br /> Qui s'engage à le faire paraitre???
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