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Louise, l'atelier
24 février 2008

Un "cadeau" ? quel cadeau ?

Je vais essayer de sortir de l’état « médusé » dans lequel je me trouve plongée.
Je suis effarée par l’injonction lancée aux enseignants de faire parrainer un enfant mort pendant la Shoah par un enfant de CM2.
Je ne comprends pas, M. Le Président, que l’on puisse lancer ce type d’injonctions ainsi, « d’en haut », aux enseignants qui n’ont heureusement pas attendu cela pour se pencher sur ces questions.
Je ne comprends pas que l’on puisse confondre à ce point émotion, mémoire, histoire.
Ce sujet est bien trop sérieux pour être ainsi traité. Et l’enjeu est immense pour l’avenir de notre société.

Je suis choquée. Choquée que l’on puisse vouloir infliger cela à un enfant en prétendant en outre qu’il s’agit d’un « cadeau ». Comment ne pas imaginer que la mémoire, M. Sarkozy, puisse aussi être un cadeau empoisonné si elle n’est pas en lien explicite, explicité, avec l’histoire ? Si elle n’est pas portée par un travail de fond avec les enfants à qui l’on s’adresse ? Que la « mémoire pour la mémoire » ne peut qu’annihiler ce que le(s) devoir(s) de mémoire(s) peut apporter ? Il s’agit bien pourtant, si j’ai bien compris votre intention, de renforcer la cohésion nationale et de prévenir la société contre les abus et extrémismes ?

Je ne souhaite pas que mon enfant risque de subir cela un jour.

Je souhaite ardemment, en revanche, que la Shoah lui soit enseignée. Et je souhaite continuer, en tant qu’enseignante, à faire prendre conscience à mes élèves des tragédies humaines qui parcourent l’histoire, dont bien sûr la Shoah. Mais je souhaite que d’autres « mémoires » lui soient aussi enseignées et je souhaite également continuer à enseigner dans ce sens.
Je dis bien « enseigner », c’est-à-dire avec respect, pédagogie et rigueur.
Pas par injonction.

Je ne comprends pas non plus, M. Sarkozy, que vous mettiez en avant le devoir de mémoire qui nous incombe à tous vis-à-vis de la Shoah et que, dès qu’il s’agit des crimes du colonialisme, et des siècles d’esclavage, vous parliez de « repentance » a fortiori comme un gros mot. Je ne comprends pas que vous ne mentionniez que l’une des mémoires au détriment des autres. N’est-ce pas justement entrer dans une sorte de « guerre des mémoires » qui ne peut être que néfaste pour la communauté nationale ? Ne pensez-vous pas que ce sont les souffrances de chacun qui créent les déterminismes historiques, attisent les rancœurs et créent les tensions sur le territoire national ? Que notre responsabilité en tant que citoyens doit être partagée et concerner chacun ?

Je pense en effet que les souffrances des uns ne doivent pas être reconnues au détriment de celles des autres. Qu’au contraire, les souffrances et leur (re)connaissance, doivent nous permettre de créer des passerelles entre les individus, les peuples et les sociétés dans toutes leurs composantes. Que reconnaître la souffrance des uns, quels qu’ils soient, ne doit pas amoindrir et n’amoindrit pas celle des autres, mais met et doit mettre en lumière ce qui reste autrement dans l’ombre et nourrit la haine. Que cela ne nuit pas à la reconnaissance de chacune des tragédies dont il peut être question, mais qu’au contraire, cela permet de mieux connaître et comprendre pour mieux avancer ensemble. Les uns avec les autres. Tous les autres. Pas contre.

LB08

On peut signer la pétition du Nouvel Observateur ici :

http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/politique/20080220.OBS1422/shoah__un_appel_du_nouvel_obs_contre_la_proposition_sar.html

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Commentaires
V
On parle du problème traumatique lié à ce type de "parrainement" et il est vrai qu'il ne faut pas l'omettre.Mais comment expliquer à un enfant qu'il va devoir entretenir la mémoire d'un de ses semblables tué dans une terrible catastrophe humanitaire tout en le laissant assister au départ de son petit camarade tchétchène expulsé car ses parents n'ont, paraît-il pas de papiers, et qui va être aux mains de génocidaires et qui à son tour sera tué dans les mêmes conditions? L'enfant, ne se posera-t-il pas de questions quant à la véracité des propos des "adultes"? Comment lui dire que sa petite copine de classe doit repartir au Congo, qu'elle deviendra enfant soldat alors qu'elle aurait pu continuer à aller à l'école et vivre sa vie d'enfant et en même temps expliquer qu'un enfant tué dans la Shoah n'a pas pu réaliser ses rêves de petit et qu'il faut se souvenir de lui? Un peu contradictoire tout de même...
Louise, l'atelier
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