dire, se taire

quand dire, est se taire
et que se taire n'est pas dire
comment dire encore ?

Alors, c'est sûr, la question se pose toujours du "que dire ?". Mais une autre se pose tout autant, c'est celle du "comment dire" ? Et ce n'est pas une simple question de style (mais pas si simple, bien sûr, le style).
Ce que je veux dire, c'est que lorsque l'on prend la parole, il s'agit de faire passer, sentir, comprendre, quelque chose, qui se doit d'être, un tant soit peu, (et sans trop de déformation, mais en laissant une certaine liberté d'interprétation, de résonnance) entendu. Que cette volonté de dire soit bien ou mal exprimée, avec ou non les moyens du bord, même "détournée", elle existe. Et elle s'inscrit dans une demande d'affection, de reconnaissance de l'autre en tant qu'être soi, dans une demande d'amour au sens fort du terme. Plus le langage est investi, plus la demande est forte, plus la déception peut être dure et destructrice.

La douleur de parler et de ne pas être entendu(e) peut en effet être vive, existentielle. Si l'événement, la surdité (je parle ici de la seule "volonté" ou désir d'entendre, d'être attentif) se répète, si le "mur" ne cesse de se dresser entre les interlocuteurs à chaque parole, cela peut même produire (j'ai envie de dire "construire") un sentiment d'angoisse, plus ou moins violent, voire aboutir à un sentiment d'échec, de négation de sa propre existence...à une spirale d'angoisse et d'échec.

J'exagère ? non, je ne crois pas. La sensation répétée, dans l'enfance par exemple, de ne pas être entendue, que notre parole est sans cesse discréditée, sans validité aucune est une violence. Pas toujours consciente de la part de qui l'inflige, pas toujours reconnue, même, puisque la dire fait à nouveau dresser le mur, ce qui en quelque sorte la redouble.

Alors que lorsque cette parole est (enfin) entendue, enfin reconnue, c'est-à-dire légitimée, naît un sentiment de bien-être, de soulagement et de confiance.